Origines de l'Antisémitisme Chrétien dans les Évangiles

Article

Rebecca Denova
de , traduit par Babeth Étiève-Cartwright
publié le 28 novembre 2023
X
translations icon
Disponible dans ces autres langues: anglais, arabe

L'antisémitisme est un terme moderne qui décrit les préjugés et l'hostilité à l'égard des Juifs et du judaïsme. Le terme est dérivé de la catégorisation scientifique sociale ultérieure de la sous-famille des langues afro-asiatiques que sont l'hébreu, l'araméen, l'arabe et l'amharique. Il s'agit également d'un descripteur des peuples de ces régions, tiré de la liste des nations descendant du fils aîné de Noé, Sem, dans la Genèse 10. L'utilisation la plus courante de l'antisémitisme concerne toutefois les Juifs et le judaïsme.

Persecution of Jews during the Black Death
Persécution des Juifs pendant la peste noire
Unknown artist (Public Domain)

Les catégories anthropologiques et physiologiques modernes qui définissent aujourd'hui les différentes ethnicités n'existaient pas dans le monde antique. Ces éléments furent introduits dans certains aspects de l'antisémitisme au Moyen Âge. La critique politique apparut à partir du mouvement sioniste du XVIIIe siècle, qui aboutit à la création d'une nation indépendante, Israël. Ce qui est devenu l'antisémitisme chrétien se développa au cours de nombreux siècles, mais la base des opinions antisémites reste ancrée dans l'histoire d'un prédicateur juif itinérant du 1er siècle, Jésus de Nazareth, dans la province romaine de Judée. Son histoire a été racontée dans ce qui est devenu les évangiles ("bonnes nouvelles") de Marc, Matthieu, Luc et Jean.

Supprimer la pub
Advertisement

Religions anciennes

Les JUIFS envisageaient UNE HIÉRARCHIE DES POUVOIRS DANS LES CIEUX.

La religion en tant que concept ou catégorie à part entière n'existait pas dans le monde antique. Les peuples de l'Antiquité se définissaient par leurs groupes ethniques (du grec ethnos, "nations") qui partageaient des liens de sang (généalogie), une langue, une géographie, des mythes et des rituels. Les traditions ancestrales étaient codifiées dans des lois (pactes, contrats) relatives au comportement, aux rôles des hommes et des femmes et aux formes de gouvernement, et l'équilibre entre les humains et le divin était maintenu par des prières et des rituels.

Les Juifs étaient un groupe ethnique qui se distinguait de ses voisins par deux éléments supplémentaires:

  1. Les Juifs avaient des marqueurs d'identité distincts: la circoncision, les lois alimentaires et l'observance du sabbat.
  2. Il était interdit aux Juifs d'adorer d'autres dieux. Cependant, les anciens Juifs n'étaient pas monothéistes au sens moderne du terme.

Les Juifs envisageaient une hiérarchie de pouvoirs dans les cieux, et les textes juifs font constamment référence à l'existence des dieux des nations, qui avaient été créés par le Dieu d'Israël, qui "préside la grande assemblée, il rend le jugement parmi les dieux" (Psaume 8:21). L'histoire fondatrice de l'idée que les juifs étaient monothéistes remonte au moment où Moïse reçut les commandements de Dieu sur le mont Sinaï. Les deux premiers des dix commandements déclarent:

Supprimer la pub
Advertisement

Je suis l'Éternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude. Tu n'auras point d'autres dieux devant ma face. Tu ne te feras point d'image taillée, de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras point devant elles, et tu ne les serviras point;

(Deutéronome, 5:6-8)

Dans l'Antiquité, le culte était toujours synonyme de sacrifices. Les Juifs pouvaient prier les anges et les autres puissances du ciel, mais ils ne devaient offrir des sacrifices (animaux, légumes, libations) qu'au Dieu d'Israël.

Moses Receives the 10 Commandments
Moïse reçoit les 10 Commandements
Gebhard Fugel (Public Domain)

Avant l'apparition du christianisme, les païens (non-Juifs) critiquaient souvent les coutumes juives. Leur refus de participer aux centaines de sacrifices et de fêtes religieuses indigènes était considéré comme misanthropique, comme une aversion ou une haine pour le reste de l'humanité et pour le bien-être de la communauté. Nous qualifions cette littérature d'"antijudaïque" plutôt que d'antisémite.

Supprimer la pub
Advertisement

Histoire des Juifs

Au cours de leur longue histoire, les Juifs subirent plusieurs catastrophes nationales, telles que la conquête du Royaume du Nord d'Israël en 722 avant notre ère et la conquête par l'Empire babylonien en 587 avant notre ère. Les Babyloniens détruisirent le premier temple de Salomon. Lorsque l'empire perse achéménide se développa, les Juifs qui avaient été emmenés en captivité à Babylone furent libérés par Cyrus le Grand (+ 530 av. J.-C.) et revinrent pour reconstruire le Temple.

Les prophètes d'Israël expliquèrent ces catastrophes par le fait que Dieu avait puni Israël pour avoir sombré dans l'idolâtrie et négligé les commandements de Dieu. En même temps, ils offraient un message d'espoir: Dieu interviendrait encore une fois dans l'histoire de l'humanité, dans les "derniers jours", et manifesterait son royaume sur la terre, le jardin d'Eden originel. Cela commencerait par l'avènement d'un messie (un "oint") issu de la lignée du roi David. Dieu rétablirait alors la nation d'Israël dans sa gloire d'antan.

Jews Mourning the Exile in Babylon
Les Juifs pleurent l'exil à Babylone
Eduard Bendemann (CC BY-SA)

Lorsqu'Israël fut conquis par l'Empire séleucide, Antiochos IV Épiphane (r. de 175 à 164 av. J.-C.) prit la décision sans précédent d'interdire les coutumes des Juifs et de profaner le Temple en 167 av. J.-C. Sous la direction de la famille hasmonéenne, la révolte des Maccabées expulsa les Séleucides, mais tous les Juifs n'étaient pas d'accord avec le régime des Hasmonéens qui cumulaient les fonctions de roi et de grand prêtre, et cette période vit l'émergence de sectes juives.

Supprimer la pub
Advertisement

Les Esséniens quittèrent Jérusalem et s'installèrent sur les rives de la mer Morte où ils attendirent l'intervention de Dieu et produisirent les manuscrits de la mer Morte. C'est dans cette littérature que l'on trouve une conception de la personnification du mal dans tous les autres, y compris les autres juifs, qui ne partageaient pas leur point de vue. Les sadducéens appartenaient à des maisons sacerdotales et étaient chargés de l'entretien du Temple. Les Pharisiens défendaient l'idée que tous les Juifs devaient vivre selon les traditions sacerdotales du livre du Lévitique. Les Zélotes affirmaient que seul Dieu devait être leur roi. La nature de ces groupes sectaires était qu'ils critiquaient tous ceux qui n'étaient pas d'accord avec leurs points de vue particuliers, mais aucune secte n'avait d'autorité sur les autres groupes.

Contexte historique des Évangiles

En 63 avant notre ère, Rome conquit Jérusalem sous l'égide de Pompée le Grand (106-48 av. J.-C.), qui installa les Hérodiens comme rois-clients. Après une série de gouverneurs romains ineptes et corrompus au 1er siècle de notre ère, la grande révolte juive de 66 de notre ère éclata et conduisit à la destruction du second temple en 70 de notre ère. C'est dans ce contexte que s'inscrivent les évangiles, à commencer par Marc.

Dans les années 20-30 de notre ère, un prédicateur juif itinérant, Jésus de Nazareth, commença à proclamer que le "royaume de Dieu" prédit par les prophètes était imminent. Des citations et des allusions à l'histoire juive, à la loi de Moïse et aux prophètes validaient les affirmations concernant Jésus. Ceux qui suivirent ses enseignements devinrent une secte de plus parmi les croyants juifs.

Supprimer la pub
Advertisement

The Siege and Destruction of Jerusalem
Siège et Destruction de Jérusalem
David Roberts (1796-1864) (Public Domain)

L'Évangile de Marc fut écrit environ une génération après la mort du Jésus historique, suivi par Matthieu, Luc et enfin Jean. Il ne s'agit pas de quatre sources indépendantes, et nous ne disposons d'aucun témoignage oculaire écrit sur ces événements; aucun document contemporain n'a survécu. Jésus n'a pas laissé d'écrits et les évangiles n'ont pas été rédigés par les disciples de Jésus.

Marc dut faire face à trois problèmes majeurs:

  1. le rôle de Jésus en tant que messie n'avait pas abouti à la restauration de la nation d'Israël; les Juifs souffraient toujours de l'occupation romaine.
  2. À l'époque où Marc écrivait, le mouvement comptait plus de païens (ex-païens) que de juifs.
  3. Jésus était mort par crucifixion, le châtiment romain pour trahison.

Le premier problème fut rationalisé par un concept ancien connu sous le nom de parousie ("seconde apparition"). Jésus avait été ressuscité des morts et élevé au ciel, mais il reviendrait sur terre à une date ultérieure. Le deuxième problème fut abordé dans Marc 4:11-12. Lorsque les disciples demandèrent à Jésus pourquoi il enseignait en paraboles, il leur répondit:

C'est à vous qu'a été donné le mystère du royaume de Dieu; mais pour ceux qui sont dehors tout se passe en paraboles, afin qu'en voyant ils voient et n'aperçoivent point, et qu'en entendant ils entendent et ne comprennent point, de peur qu'ils ne se convertissent, et que les péchés ne leur soient pardonnés.

Il s'agit d'une phrase du prophète Isaïe, qui avait fustigé les Juifs pour leurs péchés. En d'autres termes, c'est Jésus lui-même, accomplissant Isaïe, qui empêchait la majorité des Juifs de croire. Pour la plupart des Juifs, le messie, descendant du roi David, devait manifester les qualités de David, un roi guerrier, éliminant les ennemis de la nation. Un messie torturé puis mort n'aurait pas été d'un grand secours pour la cause juive. Un chrétien de la première heure affirma qu'en fait, les Écritures prédisaient ce type de messie dans Isaïe 49-53, un recueil d'oracles connu sous le nom de "passages du serviteur souffrant". Le "serviteur souffrant" avait été persécuté et torturé, il était mort, puis ressuscité et placé à côté de Dieu sur son trône. Dans le contexte historique d'Isaïe, le "serviteur" représentait la nation souffrante d'Israël, mais les chrétiens affirmèrent qu'Isaïe prédisait Jésus de Nazareth.

Vous aimez l'Histoire?

Abonnez-vous à notre newsletter hebdomadaire gratuite!

La mort par crucifixion est abordée dans le récit de Marc sur les faux procès des dirigeants juifs qui conduisirent à la mort de Jésus. Marc était obligé de distinguer ses Juifs de ceux de la récente révolte; malgré la crucifixion, Jésus n'était pas un traître à Rome. Par conséquent, ses disciples ne sont pas non plus coupables de trahison. Marc créa le modèle selon lequel Jésus était mort à cause des différences religieuses entre les Juifs et non à cause de la politique de l'empire.

Sectes juives et conflits

Marc affirme que, dès le début de son ministère, Jésus fut harcelé et persécuté. Il l'établit à l'aide d'un modèle de "dialogues conflictuels" entre Jésus et les Pharisiens, qui l'accusaient de violer la loi de Moïse. Nous ne pouvons pas vérifier les conversations réelles de ces histoires, mais elles sont crédibles dans le sens où les sectes juives étaient caractérisées pour leurs débats entre chaque groupe. Dans les évangiles, les pharisiens devinrent le point de repère qui permet d'éclairer les enseignements de Jésus.

Tous les écrivains du monde antique utilisaient des procédés littéraires tels que la polémique, une attaque écrite ou verbale utilisée pour distinguer les opinions d'un individu de celles d'autres personnes ou d'un groupe de la culture dominante. Tous les évangiles accusent avec virulence les pharisiens d'opprimer le peuple et d'empêcher tout le monde d'accéder au salut. Cependant, les Juifs ne concevaient pas le "salut" de la même manière que celle qui est devenue un principe chrétien. L'accent était plutôt mis sur la restauration prévue de la gloire de la nation d'Israël. L'affirmation selon laquelle la mort du Christ servit de sacrifice expiatoire pour le pardon des péchés fut formulée pour la première fois dans la lettre de Paul aux Romains (c. 50-60 de notre ère). Les pharisiens furent accusés de dissimuler délibérément un concept qui n'était en fait pas le leur.

The Pharisees and the Sadducees Come to Tempt Jesus
Les Pharisiens et les Sadducéens viennent pour tenter Jésus
James Tissot (Public Domain)

Les récits chrétiens ultérieurs affirment que les pharisiens avaient des règles et des rituels stricts, mais nous manquons de preuves du 1er siècle; aucun écrit d'un pharisien n'a survécu, à l'exception de l'apôtre Paul, qui devint croyant au début du christianisme. D'un point de vue narratif, les évangiles remontent à la période antérieure du ministère de Jésus. Cependant, la critique du culte du Temple n'était plus viable à l'époque de leur rédaction.

Dans les évangiles, les pharisiens accusent régulièrement Jésus de dîner avec des collecteurs d'impôts et des pécheurs. L'hypothèse traditionnelle est que les "collecteurs d'impôts" étaient peut-être des païens (violant les lois alimentaires) et que les "pécheurs" étaient des prostituées. Toutefois, ce comportement n'enfreignait aucune des règles de pureté rituelle du Lévitique. Juifs et païens dînaient ensemble dans tout l'Empire, et la prostitution dans l'ancienne Méditerranée n'était pas un péché.

L'incohérence la plus importante dans les évangiles est que les actes dont les pharisiens accusaient Jésus n'enfreignaient pas la loi de Moïse. Prétendre être le messie n'était pas un péché. Les écrits de l'historien juif Flavius Josèphe (36-100 de notre ère) nous rapportent l'histoire de nombreuses figures messianiques du 1er siècle qui, périodiquement, soulevaient les foules et provoquaient des troubles lors des fêtes juives, et appelaient Dieu à manifester son royaume maintenant. Aucune de ces personnes ne fut exécutée par les Juifs, mais par Rome. L'armée romaine rassemblait le chef et ses partisans et les exécutait par crucifixion. Il n'y avait qu'un seul royaume: Rome.

L'incident du temple

Après être entré à Jérusalem pour la fête de la Pâque, Jésus pénètre dans le quartier du Temple:

Il se mit à chasser ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple; il renversa les tables des changeurs, et les sièges des vendeurs de pigeons; et il ne laissait personne transporter aucun objet à travers le temple. Et il enseignait et disait: N'est-il pas écrit: Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations? Mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. (Marc 11:15-17)

Il s'agit d'une scène incroyablement puissante dans l'évangile de Marc, qui reste un élément fondamental dans les relations judéo-chrétiennes. Pour les chrétiens, elle résume ce qui ne va pas dans le judaïsme. Elle est importante dans le récit de Marc parce qu'il affirme que c'est cet incident qui conduisit au procès et à la crucifixion de Jésus de Nazareth. C'est également la raison pour laquelle Marc affirme que cette corruption conduisit à la destruction du Temple par Rome.

Les temples possédaient des fermes en dehors des villes pour élever les animaux sacrificiels, mais les Juifs exigeaient qu'ils soient sans défaut. L'extrémité sud du Mont du Temple comportait une zone connue sous le nom de Porche de Salomon, une structure à arcades où l'on pouvait acheter des animaux, une commodité pour les pèlerins qui ne voulaient pas risquer de compromettre leurs animaux en les traînant sur de longues distances. Cette zone se trouvait à côté de la cour des Gentils, car les non-Juifs pouvaient faire des sacrifices au Temple, et effectivement le faisaient. Ce temple se distinguait des autres par la présence de changeurs de monnaie. Comme les Juifs interdisaient les images, les pièces de monnaie portant des images de dieux et d'empereurs devaient être échangées contre des pièces juives. Dans le même temps, les hommes juifs payaient chaque année un impôt d'un demi-shekel pour l'entretien du Temple. Cette taxe ne pouvait être payée qu'avec un type spécifique de demi-shekel disponible à l'entrée.

Christ Driving the Money-changers from the Temple
Le Christ chassant les changeurs du Temple
Theodoor Rombouts (Public Domain)

Nous n'avons aucune preuve absolue que les vendeurs d'animaux ou les changeurs de monnaie trompaient les gens. Dans l'évangile de Marc, la citation de Jésus est tirée à la fois d'Isaïe et de Jérémie. Cependant, les voleurs ne se volent pas les uns les autres dans leur tanière. Une "tanière de voleurs" est plutôt un refuge où ils distribuent leur butin à l'abri des autorités. Isaïe et Jérémie critiquèrent tous deux les juifs pour avoir supposé que le Temple était un havre de paix où ils pouvaient accomplir les sacrifices, pensant que cela les sauverait du jugement à venir sans véritable repentance, mais ni l'un ni l'autre n'a jamais suggéré que les sacrifices et les rituels devaient cesser.

L'Incident du Temple devint le premier texte à valider l'affirmation chrétienne selon laquelle le judaïsme et le Temple étaient si corrompus que Dieu devait envoyer Jésus dans le monde pour créer une nouvelle religion. À la fin du Moyen Âge, ce passage servit également de base pour accuser les Juifs contemporains du péché d'usure et de l'amour de l'argent.

Le procès et la crucifixion relatés dans les évangiles posent de nombreux problèmes historiques. Marc affirme que le procès de Jésus par les Juifs était illégal (les témoins n'étaient pas d'accord) et qu'il était motivé par la haine des Juifs à son égard depuis le tout début. Le procès devant Ponce Pilate mit en évidence la réticence de ce dernier à condamner Jésus parce qu'il le jugeait innocent. Le fait qu'un magistrat romain le déclare élimine toute possibilité d'accusation de trahison envers ses disciples. Une autre lacune du récit de Marc est qu'il n'explique jamais pourquoi les Juifs, qui trois jours plus tôt avaient accueilli Jésus dans la ville comme leur libérateur, se retournent maintenant contre lui et encouragent Pilate à le crucifier.

Les racines de l'antisémitisme

La destruction du Temple eut pour effet d'éliminer les différentes sectes juives. Les restes des pharisiens étaient très probablement les hommes qui établirent ce qui devint le judaïsme rabbinique en Galilée. Sans les sacrifices du Temple, la Torah devint le centre de la vie juive.

C'EST DANS JEAN QUE LES CARACTÉRISTIQUES JUIVES SONT DEVENUES L'ICONOGRAPHIE STANDARD DE L'ANTISÉMITISME CHRÉTIEN.

Quelques décennies plus tard, les évangiles de Matthieu et de Luc reprennent les accusations portées contre les pharisiens dans Marc, avec des détails supplémentaires et un vitriol accru. Dans la suite de son évangile, les Actes des Apôtres, Luc affirme que Paul le pharisien obtint du grand prêtre des mandats d'arrêt pour les croyants de Damas. Il s'agit là d'un autre artifice littéraire, d'une hyperbole ("exagération") de la part de Luc; le grand prêtre n'avait aucune autorité en dehors de Jérusalem. Après avoir relaté la conversion de Paul sur le chemin de Damas, la seconde moitié des Actes raconte les voyages de Paul. Paul fut toujours bien accueilli par les païens, mais toujours et partout persécuté par les Juifs.

Les trois premiers évangiles blâment les dirigeants juifs, mais l'évangile de Jean étend ce blâme aux "Juifs", une expression qui apparaît 73 fois dans le texte. C'est dans Jean que les caractéristiques juives sont devenues l'iconographie standard de l'antisémitisme chrétien. Lorsque certains juifs s'interrogent sur leur descendance d'Abraham et sur le fait qu'ils suivent les œuvres de Dieu, le Jésus de Jean répond:

Vous faites les oeuvres de votre père...Vous avez pour père le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il ne se tient pas dans la vérité, parce qu'il n'y a pas de vérité en lui. Lorsqu'il profère le mensonge, il parle de son propre fonds; car il est menteur et le père du mensonge...Celui qui est de Dieu, écoute les paroles de Dieu; vous n'écoutez pas, parce que vous n'êtes pas de Dieu. (Jean 8:41-47)

Au cours des décennies suivantes, pendant la séparation du christianisme et du judaïsme, les disciples de Jésus tentèrent de créer leur propre identité. Les juifs représentaient un défi pour la "vérité" chrétienne. Outre les évangiles, les textes et les lettres du Nouveau Testament utilisaient l'argument selon lequel seuls les chrétiens avaient une interprétation correcte des Écritures juives et leur appartenaient donc. Au IIe siècle, le vitriol s'intensifia lorsque les Pères de l'Église utilisèrent les évangiles pour diaboliser les juifs, considérés comme des agents du diable. Avec l'adoration chrétienne de Jésus en tant que fils de dieu, le déicide devint une accusation contre tous les Juifs. Tout au long du Moyen-Âge et au-delà, les chrétiens justifièrent le meurtre de Juifs en alignant systématiquement les Juifs contemporains sur les Pharisiens des Évangiles.

L'antisémitisme chrétien reste un phénomène singulier dans la culture moderne. Le théologien et spécialiste du Nouveau Testament, John Dominic Crossan, a affirmé que le fait d'imputer aux Juifs la mort de Jésus est "le plus long mensonge" de l'histoire.

Supprimer la pub
Publicité

Questions & Réponses

Qu'est-ce que l'antisémitisme ?

L'antisémitisme est un terme moderne qui décrit les préjugés et l'hostilité à l'égard des Juifs et du judaïsme.

Quel est le fondement biblique de l'antisémitisme ?

L'incident du Temple dans l'Évangile de Marc est un élément fondamental dans les relations judéo-chrétiennes, car il a validé l'affirmation chrétienne selon laquelle le judaïsme et le Temple étaient corrompus. Toutefois, c'est dans l'Évangile de Jean que les caractéristiques juives sont devenues l'iconographie standard de l'antisémitisme chrétien.

Bibliographie

World History Encyclopedia est un associé d'Amazon et perçoit une commission sur les achats de livres sélectionnés.

Traducteur

Babeth Étiève-Cartwright
Babeth s'est consacrée à la traduction après avoir enseigné l'anglais au British Council de Milan. Elle parle couramment le français, l'anglais et l'italien et a 25 ans d'expérience dans le domaine de l'éducation. Elle aime voyager et découvrir l'histoire et le patrimoine d'autres cultures.

Auteur

Rebecca Denova
Rebecca I. Denova, Ph. D., est Maître de Conférences à temps plein en Christianisme Primitif au Département d'Études Religieuses de l'Université de Pittsburgh. Elle a récemment publié un ouvrage, "The Origins of Christianity and the New Testament" (Wiley-Blackwell).

Citer cette ressource

Style APA

Denova, R. (2023, novembre 28). Origines de l'Antisémitisme Chrétien dans les Évangiles [Origins of Christian Antisemitism in the Gospels]. (B. Étiève-Cartwright, Traducteur). World History Encyclopedia. Extrait de https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2335/origines-de-lantisemitisme-chretien-dans-les-evang/

Style Chicago

Denova, Rebecca. "Origines de l'Antisémitisme Chrétien dans les Évangiles." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. modifié le novembre 28, 2023. https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-2335/origines-de-lantisemitisme-chretien-dans-les-evang/.

Style MLA

Denova, Rebecca. "Origines de l'Antisémitisme Chrétien dans les Évangiles." Traduit par Babeth Étiève-Cartwright. World History Encyclopedia. World History Encyclopedia, 28 nov. 2023. Web. 12 déc. 2023.

Adhésion